Comme l'an passé, le Giro a été relégué au second plan de l'actualité cycliste, derrière les affaires de dopage. Malgré des étapes de montagne rendues spectaculaires par le duel entre Di Luca et la Saunier Duval, il fallait être italien pour s'enthousiasmer sans arrière-pensée pour le 90e Tour d'Italie.
LE GENRE
Giro du renouveau (un peu comme le Tour 1999)
LE RÉSUMÉ
Finalement, dès le début du Giro, Danilo Di Luca était le plus fort. Dans la première étape contre-la-montre par équipes, il aurait décroché le maillot si Gasparotto s'était écarté. Si le « pinkiller » récupère la maglia rosa le lendemain, c'est pour la céder l'étape d'après. Di Luca sait que son équipe ne peut pas contrôler la course. Quand il s'impose au Montevergine et récupère le maillot rose il prévient qu'il ne cherche pas à le garder. C'était bien la peine de crier sur Gasparotto. Marco Pinotti en profite pour participer à l'échappée de la 6ème étape qui prend 7’ au peloton. Pinotti quitte le magenta de T-Mobile pour le rose du Giro. Il le gardera jusqu'à la deuxième arrivée au sommet du Giro au sanctuaire de Notre Dame de la Guarde. Dans cette montée Piepoli s'impose comme le meilleur grimpeur du Tour d'Italie, Di Luca comme le meilleur des favoris, Andy Schleck se déchire pour terminer 3e et Simoni, Riccò et surtout Cunego marquent le pas. Le vecchio Andrea Noè porte le maillot rose mais va le céder à son chef de file, Di Luca, deux jours plus tard à Briançon où un autre vieux pointe son nez, Eddy Mazzoleni. Dans cette étape de Briançon, Riccò perd toutes ses chances en restant bloqué dans le col d'Agnel avant de se retrouver dans l'Izoard. Di Luca sort vainqueur de l'Izoard malgré les attaques de Simoni.
Di Luca ne sera plus inquiété même si Mazzoleni joue son va-tout deux jours de suite dans l'étape de Bergame et surtout dans celle des Trois cimes de Lavaredo.
Les vieilles gloires Garzelli et Simoni réussissent à décrocher leurs étapes. Le dernier contre-la-montre de Vérone dessine le podium : Andy Schleck sera le dauphin de Di Luca. Mazzoleni monte sur la troisième place. A l'arrivée à Milan, Alessandro Petacchi décroche sa cinquième victoire d'étape mais le porteur du maillot cyclamen ne s'est fait pas fait de cadeau à domicile, à Lido di Camaiore, battu par Napolitano.
LA SURPRISE DE LA COURSE : ANDY SCHLECK
Depuis 2005, Andy Schleck avance doucement vers les sommets. Dès ses débuts pros, alors qu’il n’a pas 20 ans, il se fait remarquer par Lance Armstrong qui n’apprécie guère de voir un jeune coureur l’accompagner dans les montées du Tour de Géorgie. L’an passé, il avait continué son apprentissage dans des courses ProTour comme le Tour d’Allemagne terminé à la 16e place, tout en aidant son leader Voigt. Cette année, il continuait avec des bonnes performances avec une 16e place à Paris-Nice et une 8e au Tour de Romandie.
Il abordait alors son premier Grand Tour en tant que coureur protégé de la CSC et sa première semaine confirmait sa forme. Beaucoup, dont son directeur sportif Alain Gallopin, s’attendaient à un jour sans, mais il n’est jamais venu. A la fin des trois semaines, il restait même le seul à inquiéter Di Luca avant le contre-la-montre. Il obtient finalement le premier accessit prometteur pour la suite de sa carrière.
Terminer sur le podium d’un Grand Tour l’année de ses 22 ans est une performance peu commune. Eddy Merckx n'avait terminé "que" 9e de son premier Giro à cet âge, mais il comptait déjà deux Milan-San Remo, un Gand-Wevelgem et une Flèche wallonne à son palmarès. Coppi remportait lui son premier Giro l’année de ses 21 ans (1940). Plus près de nous, Giuseppe Saronni gagnait la course l’année de ses 22 ans (1979). Enfin Damiano Cunego l’emportait à 23 ans en 2004.
LE DRAME DE LA COURSE : DAMIANO CUNEGO
En 2005, l’Italien avait connu un coup d’arrêt à cause d’une mononucléose contractée juste avant le Giro. La maladie ne l’avait pas empêché de terminer 18e de la course. L’année suivante, il obtenait une flatteuse 4e place sur cette même course, mais il n’avait jamais réellement pesé sur son déroulement. Engagé sur le Tour de France sans réelle ambition, il connaissait des moments difficiles dans les Pyrénées avant d’effectuer un superbe retournement de situation dans les Alpes. Dans le dernier chrono, il réalisait une performance de haute voltige pour conserver le maillot blanc de meilleur jeune. Ceci lui redonnait des ambitions pour... le Giro.
En 2007, il misait tout sur cette course. Son approche de la course italienne semblait bonne : 4e du Tour du Pays basque, il survolait ensuite le Tour du Trentin. Ses progrès contre-la-montre faisait de lui un sérieux candidat pour ce Giro.
Tout commençait bien lors de la 4e étape où il était le seul à accompagner Di Luca et Riccò. Ensuite, ça s’est compliqué : toujours en retrait, rares ont été ses attaques. Pire, il n'a pas pu suivre celles des autres. Lors de la 14e étape par exemple, il a du faire rouler son équipe derrière les attaques de Simoni, Savodelli et Mazzoleni pour limiter les dégâts. 5e au final, il est loin du compte.
LA PERFORMANCE : LES TINKOFF
Peut être pour justifier leur invitation, les Tinkoff ont été à l'attaque dès le premier jour, à tour de rôle. Pour la première étape en ligne, la crinière de Pavel Brutt prend beaucoup de vent, pour se faire revoir dans les dix derniers kilomètres. Il sera le premier porteur du maillot vert de meilleur grimpeur. Après Brutt, c'est le prodige Mikhail Ignatiev qui prend le relais pour 175 km à l'avant. Jusqu'au dernier jour, les Tinkoff embrayent. Ignatiev a remis ça dans le final de la dernière étape où il a pu étaler son talent de poursuiteur. Par contre, la montagne lui est restée dans les jambes.
Pour le classement général, les Tinkoff avaient une autre carte, un revenant presque : Evgeni Petrov, le champion du monde espoir 2000 qui confirme enfin son Tour de l'Avenir...2002.
Preuve de l'omniprésence des coureurs au maillot jaune et noir, Ignatiev remporte le classement des échappées et des étapes volantes Garibaldi devant Mickaël Buffaz.
LA SEQUENCE EMOTION : LEONARDO PIEPOLI
Depuis longtemps, il sait, et ses adversaires également, qu’il ne constitue pas un danger pour le classement général dans un Grand Tour. Alors Piepoli vise les victoires d’étapes, avec la bienveillance des grands leaders. Ce fut le cas cette année dans la 10e étape à Nostra Signora Della Guardia. Ce premier succès en poche, Piepoli a joué l’équipier modèle et le père Noël.
Dans l’étape des Trois cimes de Lavaredo, après avoir perdu du temps à Briançon, il se glisse dans une échappée pour servir d’éventuel relais à Gilberto Simoni. Ce dernier n’arrivant jamais, il continue son étape avec son équipier Riccardo Riccò à qui il offre la victoire au sommet. Un bien beau cadeau à un jeune coureur qui ne le remerciera même pas.
Au Monte Zoncolan, Simoni est en forme et Piepoli est à ses côtés. Accompagnés de Schleck, ils distancent tous leurs adversaires et partent vers la victoire. Nouveau cadeau de Piepoli à Simoni cette fois. Ce dernier n’oublie pas de le remercier, lui.
CE QUE VOUS AVEZ RATÉ A LA TÉLÉ
Lors de l’étape des Trois cimes de Lavaredo, l’attaque d’Eddy Mazzoleni n’a pas fait très plaisir à Patrick Chassé (Eurosport). Ce dernier n’a pas hésité à faire part de son agacement à voir l’Italien en position de leader virtuel de la course. Pendant le direct, il a justifié cette attitude par le lourd passé de Mazzoleni et son implication dans l’affaire de dopage "Oil for drug".
Durant cette même étape, Richard Virenque a écorché le nom de l’Italien pendant toute la course, l’appelant "Manzoleni". Quelques heures plus tard sur France 2, Jean-René Godart a tenté et réussi à faire aussi bien que l’ancien meilleur grimpeur du Tour, parlant de l’équipe "Tonkoff" ou lieu de Tinkoff ou d’"Alejandro" Petacchi, entre autre.
LES CHIFFRES
2 : T-Mobile et Liquigas sont les deux seules équipes à avoir porter le maillot rose. Liquigas par l’intermédiaire de Gasparotto, Noé et Di Luca a eu le plus gros morceau du gâteau avec 17 jours en rose.
4 : L’équipe Saunier Duval a gagné quatre étapes avec quatre coureurs différents (Piepoli, Riccò, Simoni et Mayo).
14 : Andy Schleck, deuxième de l'épreuve et Gilberto Simoni, quatrième ont quatorze ans d'écart.
14 : Le Tour d'Italie reste encore une affaire d'italiens. Pour preuve, quatorze d'entre eux sont aux 20 premières places au général, et 15 étapes sur 21 ont été gagnées par des Italiens.
207 : Au classement ProTour, Di Luca a désormais 207 points. À la mi-saison, c'est plutôt de bon augure pour le coureur transalpin. Son dauphin est à 50 points. Pour rappel, lors de sa victoire dans le classement final du ProTour 2005, il avait au final 229 points.
LE BAROMETRE
Eddy Mazzoleni : On attendait un Italien de l'équipe Astana sur le podium, mais ce n'était pas celui qui était initialement prévu. Lors de la 12e étape arrivant à Bergame, Mazzoleni se paie le luxe d'accompagner tous les favoris quasiment jusqu'au bout. Son leader, Paolo Savoldelli termina lui à un peu de moins de 6’. Lors des Trois cimes de Lavaredo, il a attaqué derrière les échappés pour creuser les écarts sur les favoris du Giro . Sa bonne performance au dernier contre-la-montre (2e à 36’’ de Savodelli) permet d'effacer sa légère défaillance lors de la Monte Zoncolan où il avait concédé 2’26’’. Une défaillance qui aurait été, selon L’Equipe, la conséquence d’un accord passé entre Astana et l’organisateur du Giro. Celui-ci n’avait guère envie de voir remporter sa course un coureur plongé dans les affaire de dopage. Au final, il prend la troisième place de l’épreuve. Légère surprise donc, surtout qu'on était habitué à le voir ses sacrifier pour ses leaders : "J'ai toujours travaillé pour les autres. Le podium, c'est un cadeau que je me fais à moi-même." (AFP).
Robbie McEwen : Comme à son habitude, l'Australien était au rendez-vous. Depuis 2003, il est toujours reparti d’Italie avec une ou deux étapes en poche. Cette année n'échappait donc pas à la règle et c'est dès la première étape que McEwen a levé les bras. Comme la plupart des sprinters sur ce Giro, il a quitté la course dès que la route s'est élevé.
Alessandro Petacchi : Certains ne croyaient pas en son retour, lui si. Il le justifie de la plus belle des manières avec ses cinq succès à la clé. Il fut d'ailleurs un des rares sprinters à avoir bouclé les 21 jours du Tour d'Italie.
Stefano Garzelli : L'ancien vainqueur du Giro savait très bien que la victoire finale lui serait impossible. Il ressort toutefois pleinement satisfait de cette édition avec deux victoires d'étapes. La première lors de la 14e étape, où il a dépassé in extremis Gilberto Simoni, grâce aux motos. Deux jours plus tard, il remet ça après une longue échappée et une fin d'étape en solitaire, n'hésitant pas à qualifier sa performance d'"une des plus grandes prouesses de ma carrière" (Velo101.com).
LE BLOG DE TOM CIGELLES : RICCARDO RICCO
Riccardo Riccò, c’est d’abord une "gueule". Un peu comme mon ami Marc Madiot. Il dit ce qu’il pense et il fait ce qu’il dit. Parfois, ça dérange. Ca n’a pas plu à Bettini en début de saison et le champion du Monde lui en a fait voir de toutes les couleurs à Milan-San Remo ou sur ce Giro encore. Riccò s’était glissé dans une échappée fleuve qui lui aurait permis de prendre de précieuses minutes d’avance. Malheureusement, Bettini était là et, sous la pression, Riccò a cédé. Une erreur de jeunesse. Il se rattrapera par la suite et sa victoire aux Trois cimes de Lavaretto le fait entrer dans la cour des grands.
Heureusement, Riccò est bien entouré avec Mauro Gianetti. Ce dernier a couru sous les ordres de Marc Madiot et ça se sent. Le Suisse a réussi à réconcilier Bettini et son protégé. Ce n’est pas la première fois qu’il lui sauve la mise. L’an passé, il l’avait emmené au siège de l’UCI pour passer des examens qui ont montré qu’il avait un taux d’hématocrite naturellement élevé. De quoi oublier ses contrôles positifs chez les espoirs.
Maintenant, Riccò souhaite quitter Saunier Duval pour de plus grandes libertés dans une autre équipe. Un nouveau signe de sa forte personnalité.